Le sujet semble entendu : Port-Royal marque le règne du christocentrisme, théologie, spiritualité et apologétique se ramenant in fine à un discours sur le Christ. Le colloque réuni par la Société des Amis de Port-Royal, en octobre 2016, et dont les actes sont publiés dans le présent volume apporte plus que des nuances et souligne les paradoxes, les manquements et les divergences.
Les thèmes apparemment les plus classiques de l'imitation, du combat spirituel, du mystère de l'Homme-Dieu, du médiateur s'avèrent faire l'objet de traitements originaux, qui mettent en tension une christologie fondée sur la ressemblance et l'imitation, comme peuvent la défendre Nicole ou Arnauld d'Andilly, et une christologie que l'on pourrait qualifier de négative, comme celles de Pascal et de Barcos, qui ne veut dire du Christ que son incompréhensibilité sur fond d'une opposition « invincible » entre l'homme et Dieu.
C'est à éclaircir des points essentiels de l'histoire du christianisme mais aussi de l'histoire de la philosophie, de la littérature spirituelle et de la peinture, que se sont attaché les textes réunis ici. Port-Royal y signe avec force sa singularité, loin des catégories usées dans lesquelles le commentaire s'obstine à le ranger.
Port-Royal a hanté la République. Symboliquement, la plus haute coupure émise par la Banque de France de 1969 à 1994 est un « Pascal » qui fait figurer, derrière le buste de l'écrivain, une vue de Port-Royal inspirée d'une des célèbres gouaches de Madeleine Horthemels (1686-1767). Peu avant, le « Racine », le billet de 50 francs émis de 1962 à 1976, représentait le dramaturge, lui aussi devant le monastère. Billets de banque, timbres, noms de rue : Port-Royal a joui d'une assomption républicaine dont les préludes résonnent déjà chez l'abbé Grégoire. Mais comment cette imbrication s'est-elle produite? Sur quels fondements repose-t-elle? Quels ont été ses relais de la Révolution française à l'effondrement de la IIIe République? Saint-Simon écrit que les proches de Port-Royal étaient pour Louis XIV des républicains : est-ce la République qui a hanté Port-Royal? Ces interrogations en apparence liées à l'imaginaire républicain moderne conduisent l'enquête à s'intéresser finalement à la notion de République au XVIIe siècle et à un pan de l'histoire de Port-Royal aussi souvent évoqué que peu connu.
Le colloque organisé à la Sorbonne, par la Société des Amis de Port-Royal, en octobre 2017, s'est efforcé d'explorer ces pistes de recherche, partant de la représentation de Port-Royal sous la IIIe République et remontant le fil d'une généalogie complexe qui trouve ses origines dès le XVIIe siècle.
Né au « siècle des saints », le mouvement port-royaliste se forge dans un moment où les questions sur la sainteté sont de plus en plus prégnantes. Dans un contexte de centralisation de l'Église autour de la papauté romaine et de prise en main de la fabrique des saints par l'autorité pontificale, les études rassemblées dans ce volume entendent interroger les rapports particuliers entre Port-Royal et la sainteté. Bons catholiques, les jansénistes n'en entretiennent pas moins des liens assez distants avec les conceptions romaines de la sainteté et les positions thomistes qui inspirent les décisions de la Sacrée Congrégation des Rites. Héritiers d'une théologie de l'élection divine, ils produisent des textes hagiographiques et des réflexions qui s'écartent souvent des règles prescrites par Rome et qui, pourtant, s'inscrivent pleinement dans le mouvement d'organisation et de contrôle voulus par le magistère pontifical. Tout comme les miracles, la sainteté et la canonisation spontanée est une réponse à la persécution dont les jansénistes se disent victimes. Pris dans les rets de la formalisation romaine, les soutiens de Port-Royal en viennent à développer leurs propres saints qui, sans avoir la sanction romaine, n'en sont pas moins considérés comme tels par les fidèles du monastère ou de son souvenir.
Le colloque de la Société des Amis de Port-Royal, organisé au Musée national de Port-Royal des Champs en octobre 2018, s'est efforcé d'explorer la façon dont Port-Royal s'est saisi de la sainteté pour développer une vaste production théologique et hagiographiques mais aussi d'envisager comment cette question de la sainteté a rapidement été mobilisée dans la polémique qui oppose les jansénistes au reste du monde catholique.
L'expulsion des religieuses de Port-Royal des Champs, suivie de la destruction des bâtiments et de l'excavation du cimetière, de 1709 à 1713, constitua un événement majeur de la fin du règne de Louis XIV qui marqua fortement les esprits de l'époque. Il s'agit là tant d'un aboutissement que d'un point de départ. C'est un aboutissement car la destruction du monastère s'inscrit en point culminant d'un long processus qui s'est accéléré avec la rupture de la Paix clémentine en 1679 mais c'est aussi le point de départ d'un travail de construction de la mémoire voire du mythe de Port-Royal. Les articles du présent ouvrage ont le mérite de nuancer ce qui était jusque-là répété à l'envi. La question de la ruine et de la survie de Port-Royal a été abordée selon trois grandes thématiques : la marche à la destruction, l'abbaye martyre et l'impossible orthodoxie.
On n'a souvent plus guère conscience, en ce début de XXIe siècle, de l'influence fondamentale qu'a pu exercer la bulle Unigenitus sur la société de l'Ancien Régime. Fulminée par le pape Clément XI, en septembre 1713 à la demande de Louis XIV, celle-ci était censée donner le coup de grâce à un jansénisme en déclin. Au-delà de la simple condamnation de l'ouvrage de Pasquier Quesnel, Le Nouveau Testament en Français, avec des réflexions morales., ses implications, sur le fond comme sur la forme, étaient considérables. Les contemporains, partisans comme adversaires, ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et ils ont pris fort rapidement la mesure des conséquences de ce texte, qu'il s'agisse de théologie, d'ecclésiologie ou de pensée politique. Un siècle de passions, d'anathèmes et de déchirures s'en suivit. La bulle Unigenitus devint un thème central des débats de la scène française et, au-delà, européenne. En cela, Louis XIV connut un terrible échec posthume.